Archives
Opération Sauvetage Ukrainien – VO
La moto broute, puis cale, pour la deuxième fois de la matinée. Pourtant je viens de faire le plein de SP-95. A y réfléchir, il pleut ; et à chaque fois que le filtre s’était bouché, il pleuvait. Et si le problème ne venait finalement pas du filtre, mais plutôt de la pluie ? Peu importe, comme pour les autres fois je secoue Barbara, redémarre puis repars.
Dix minutes plus tard, voici qu’elle se met à nouveau à brouter. Je laisse la moto continuer sur sa lancée et s’échouer à côté de cette station service que j’avais repéré un peu plus loin. Même scénario mais cette fois elle ne veux plus repartir. Le moteur démarre bien, mais s’essouffle vite et cale à chaque fois. J’appelle mon oncle, on fait un diagnostic par téléphone. A priori il pense que j’ai soit de l’eau qui s’infiltre dans mon essence soit l’un des circuits d’allumage qui fait des faux contacts avec la pluie.
Je démonte presque entièrement la moto, vérifie tout ça avec mes maigres connaissances en mécanique et les moyens du bord. Rien. Je ne trouve rien qui expliquerait cette panne. C’est en remontant une bougie après sa vérification, que je me dit qu’il faudrait que je débranche la pompe à essence pour purger les carburateurs ; au cas où il y aurait de l’eau dans le circuit d’essence. Je débranche le tout, vide l’essence, souffle dans les tuyaux, rallume le contact pour purger la pompe aussi… et là rien ne sort. La pompe à essence ne fonctionne pas. Bingo, j’ai trouvé ! Je bidouille les tuyaux d’essence et fabrique une dérivation de fortune pour me passer de la pompe, en branchant en direct le réservoir aux carburateurs. Le bricolage fonctionne, le moteur ronronne de nouveau.
L’heure a pourtant tourné très vite. Je me dépêche de recharger la moto. Je préviens Clémence, puis mon oncle, que je vais pouvoir repartir pour Doniesk. Par contre je n’aurai pas le temps de passer aujourd’hui la frontière Russe, il va falloir que je trouve de quoi dormir à Doniesk et pourquoi pas y remplacer ma pompe à essence. Clémence s’occupe de ça et poste des messages sur les forums de motard pour savoir s’ils peuvent m’aider. De mon côté je prends la route, et vite, car la nuit ne va pas tarder à tomber.
La route, tout à fait potable ce matin, se dégrade de plus en plus. La nuit, elle, n’attend pas et m’oblige à rouler en pleins phares. D’ailleurs avec mon chargement trop lourd, le cul de la moto est alourdi et les phares éclairent plus le ciel étoilé que la route. Tant pis, je réglerai ça demain.
Mais la pluie arrive, elle aussi, très vite. D’abord quelques petites gouttes discrètes puis des bourrasques cinglantes. Je ne vois presque plus rien, la route est devenue vraiment pourrie et les ukrainiens ne conduisent pas mieux qu’avant…
C’en est trop, je décide de m’arrêter. Un petit terrain d’herbe sur ma droite, à côté d’une maison. Je décharge la moto sous la pluie en vitesse et garde ma concentration pour monter la tente le plus efficacement possible. Je mets mes affaires à l’abri, attache la moto et cours me réfugier sous la tente, ma lampe frontale fièrement allumé au dessus de la tête.
Je retire mes vêtements mouillés, organise mon micro chez moi, puis déplie mon tapis de sol. Ça y est, je peux souffler. J’enfile mes jambes dans mon duvet, mange un peu de saucisse sèche achetée en Pologne sous les conseils de Nicolas, puis sors mon carnet pour écrire.
Je suis là, les jambes nues dans mon duvet orange, écoutant à la fois le doux bruit de la pluie sur la toile de tente et celui de la route non loin.
J’écris au feutre sur ce pette carnet et souris bêtement. Je suis bien, je suis heureux ; de toutes ces petites victoires.
Ce que je ne savais pas en écrivant ces lignes, c’est que l’opération « Sauvetage Ukrainien » ne faisait que commencer. Je ne me doutais pas que 2h plus tard, je serais à table en train de boire des vodkas avec tout un forum ukrainien à mes trousses !