Remi Chapeaublanc | Photographer

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Bye-bye Kazakhstan

Ca y est, Rémi a quitté le Kazakhstan. Si tout se passe bien, dans une semaine, il posera le pied en Mongolie. Mais avant ça il va devoir traverser un bout de Sibérie, et les conditions climatiques qui vont avec. En guise de conclusion à son épisode kazakh, Rémi  souhaitait publier l’extrait d’un livre qui l’a beaucoup inspiré.

Il faut donc que les nouvelles générations de Kazakhs, citadins notamment, envisagent autrement les milliers de pétroglyphes gravés sur les rochers qui constituent la plus grand bibliothèque à ciel ouvert du monde. Il faut qu’elles se réapproprient la lisibilité des collines innombrables que sont les kourgans abritant les restes des sultans, des poètes fameux ou des bergers anonymes, et qu’elles leur reconnaissent leur fonction de « signalétique de la steppe » pour se repérer dans l’adyr, l’espace sauvage des Anciens. Il sera nécessaire à terme qu’elles assument leur « territoire du vide » dont les entrailles gorgées de ressources fascinent bien au-delà des archéologues et livrent régulièrement des trésors ensevelis, porteurs d’une culture persistante faite de signes du passé lointain tout autant que récent, ouverte à l’innovation, réactive à la modernité.

Pour l’heure, l’histoire culturelle du Kazakhstan est celle de la victoire du monde moderne et de l’idéologie sédentaire sur la liberté nomade, la victoire de l’écrit sur l’oral, du béton sur la yourte. Pourtant, nul ne sait si la mémoire nomade ne saura pas profiter des interstices ouvertes par ce processus de re-traditionnalisation par le haut. D’où l’importance de cette exposition, telle la signature objective d’une culture longtemps considérée par son oralité et sa frugalité architecturale et artistique, comme un simple « aménagement temporaire de la nature ».

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Il est un fait que les steppes kazakhes sont une terre mythique dans l’imaginaire occidental, une zone d’attraction pour les candidats au voyage lointain dans ce qui représentait avec la Transoxiane, l’extrémité du monde connu d’Alexandre le Grand. Un certain nombre de raisons l’expliquent : les descriptions des tribus scythes que l’on peut lire dans L’Enquête d’Hérodote, la profusion d’informations contenues dans les récits des envoyés chrétiens auprès des Mongols, Plan Carpin ou Rubruquis. Plus tard, à l’époque du « Grand Jeu », selon l’expression de Rudyard Kipling pour nommer la rivalité anglo-russe qui dira tout le XIXème siècle, les rapports enflammés des espions, agents d’influence et autres experts en stratégie, russes et britanniques, allaient porter bien au-delà de leurs propres limites, le souffle des grands conquérants mêlé au frisson chamanique.

Tiré du livre Kazakhstan : Hommes, bêtes et dieux de la steppe.

 

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