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Ces petits matins… de la maison Kazakh
Il est encore trop tôt, la lumière du soleil n’a même pas illuminé ces minuscules fenêtres, plantés au milieu de ce gros mur de terre. J’entrouvre à peine les yeux, blottis dans mon duvet de montagne encore chaud, que là mère de famille réanime déjà le feu dans le poêle.
Ce poêle planté au milieu de la pièce est comme le coeur de cette maison. On y insère toute la journée l’unique combustible que l’on trouve ici : les bouses de yak séchées, de l’année dernière. Ce poêle aux aires mystique permet à cette maison d’être un lieu de vie. Alors que dehors, le froid glacial a profité de la nuit pour gagner du terrain, formant à la base des petites fenêtres – à l’intérieur de la maison – un bon centimètre de glace.
Ces petites fenêtres, au nombre de 4 pour toute la maison, je les aime bien. Elles apportent de la lumière, mais surtout, elles me donnent tous les matins un nouveau dessin abstrait à contempler.
Pendant que Hundiz – la plus jeune de la famille – crie, hurle et joue à mettre ses mains sur les vitres givrés pour y laisser la trace de sa main, je songe doucement à m’extirper de mon duvet, bien trop chaud pour en sortir tout de suite.
C’est un de ces matins, comme tous les autres ici, où rien ne vous oblige à sortir « maintenant » de la douceur de la nuit, 10 minutes de plus ne feront de mal à personne. Voyant toute la famille déjà debout, je me force à ouvrir la fermeture éclaire, qui laissera inévitablement rentrer ce petit frisson saisissant. Pas si mauvais que ça le petit frisson, car c’est lui qui m’oblige à m’habiller des quelques couches de vêtements qui ne quitteront pas ma peau de la journée.
Je me lève et rejoins tout le monde autour de la table familiale, pour y boire un thé au lait brûlant et manger de petits cailloux.
Ça, c’est ce qu’ils appellent du fromage. Moi j’appelle ça des petits cailloux. Ça a la couleur d’un silex, ça a la forme d’un silex, ça a la solidité d’un silex, seul peut être le goût diffère ? Je me pose cette question car sincèrement je n’ai jamais goûté de silex.
Ce fromage est tellement dur, que même eux le laissent tremper dans leur thé pour réussir à y grignoter de petits morceaux.
Je me console avec leurs petits morceaux de pain fris, sur lesquels je mets un peu de beurre de yak. Ce que j’aime avec le beurre maison, c’est que dans chaque famille il a un gout différent, celui-ci est très légèrement salé avec une pointe d’acidité.
On termine de s’habiller, j’enfile mes 2 ou 3 paires de gant puis l’indispensable bonnet ou chapeau de fourrure. Le soleil est levé, il est 8h37, l’heure parfaite pour aller sortir les moutons, pendant que la mère – comme tous les matins – trait les yak devant la maison.