La moto
Le petit garage de Slovénie
Et pour compléter l’article d’hier, des photos faites par Ortie, pendant que je scrutais les gestes méticuleux de ce « Papy BM ».
Remorquage et autres mésaventures
Avant hier nous étions en train de rouler sur les routes de Croatie — mains totalement gelées — dans la direction de Ljubljana. Lorsque la moto commença à toussoter, je me suis dit qu’un peu d’eau s’était peut être infiltrée dans le réservoir. Mais en roulant le phénomène ne faisait que s’empirer, jusqu’à parfois arrêter totalement le moteur, pour ensuite repartir. Nous avons pu tout de même arriver jusqu’à la prochaine station d’essence, où nous nous comptions de toute manière nous arrêter pour réchauffer nos mains.
Après une vérification des bougies, le diagnostique fut assez rapide : il n’y avait plus d’allumage. Ni une ni deux, je démonte le carter avant pour voir ce qui ne va pas. Et là, je découvre avec horreur, une boue couleur rouille couler du bloc d’allumage. De la neige salée avait réussie à s’infiltrer dans le moteur, et avait gentiment stagné ici, jusqu’à ronger complètement le ressort du rupteur. Plus de ressort, plus de contact. Plus de contact, plus d’allumage. Plus d’allumage, plus d’explosion. C’est ballot pour un moteur à explosion.
La pièce était tellement rongée, qu’une partie du ressort avait littéralement “fondu” dans ce mélange très corrosif qu’est l’eau salé. Impossible de réparer ça ici avec les moyens du bord, et les employés de la station service n’avaient par l’air plus émus que ça…
Je déteste à avoir à faire ça, mais j’ai appelé l’assistance de mon assurance. Réactifs tout comme il faut, c’est lorsqu’ils m’ont annoncé que j’avais seulement droit à un remorquage à auteur de 160 € que j’ai eu envie d’insulter quelque personnes (moi y compris). Ceci dit, je me considère déjà chanceux, car pour une assurance que je paye 35 € par an, je ne pouvais pas en espérer beaucoup mieux.
Lorsque l’équipe des 3 dépanneurs croates sont arrivés, nous avons immédiatement reconnu le van VW rouge qui était garé à côté de nous 1h plus tôt. Petite blague qui a détendue l’atmosphère. Une fois Milmoto chargée dans le van aux mêmes couleurs qu’elle, les mecs nous ont dit qu’ils n’étaient pas très chauds pour partir maintenant jusqu’en Slovénie vu l’état des routes. Ils nous proposaient plutôt de dormir ce soir à l’hôtel, et de prendre la route tôt le lendemain, pour un trajet plus safe. Nous n’étions plus à ça prêt : GO pour l’hôtel !
La route du lendemain fut plutôt silencieuse, espérant d’une part qu’on trouverait un garage qui aurait notre pièce en stock (ce qui est très peu probable vu l’age de la moto) et priant d’autre part que les remorqueurs oublient qu’on avait le droit qu’à un forfait de 160 €.
Une fois arrivé à Ljubljana dans un garage officiel BMW, ils n’avaient d’une pas la pièce, mais pour corser le tout, les pannes d’électricité qui paralysent actuellement la moitié du pays ne leur permettaient même pas de savoir quand est-ce qu’ils pourraient ne serait-ce que la commander. Après quelques coups de fils, ils nous ont griffonné au crayon une adresse sur un post-it, en nous disant qu’à 1h d’ici nous trouverions à coup sur notre bonheur. Et hop, nous voici de nouveau sur la route avec les croates, le van et Milmoto.
Que ne fut pas notre soulagement, lorsque nos intuitions se confirmèrent : il s’agissait bien d’un “Papy BM”. C’est comme ça que je surnomme ces grand-pères, ces passionnées, qui tiennent un garage à l’odeur si particulière. Il nous a accueillis avec le sourire, du thé, et une attitude qui voulait tout dire : “Ne me dit rien, je sais quel est ton problème et j’en ai pour 20 minutes montre en main pour changer la pièce”.
Nous avons donc passé plus de temps à discuter de ses machines et de nos voyage, qu’à réparer la moto. Sa femme c’est occupé de faire à manger à Ortie, et cerise sur le gâteau les croates m’ont appliqué une sorte de forfait miracle de derrière la fagots… Ils ne m’ont demandé que 340 € pour la totalité du dépannage !
Si ça c’est pas du Happy End…
Suis-je fou ?
Suis-je fou ? C’est une question que je me suis souvent posé, et que je me pose encore.
Très certainement, oui, je suis un peu fou.
Il y a un peu plus de 2 ans j’étais en Russie — dans la région de Barnaul en Sibérie — sur des routes gelées, à conduire par -15°C. J’ai eu un accident de moto, dont j’en suis sorti presque indemne : moto détruite et traumatisme psychologique en plus.
Ce traumatisme, je n’arrête pas de le ressasser depuis ce nouveau départ. A chaque fois que je vois un peu de neige sur le bord de la route, je repense à ces immenses plaques de glaces qui recouvraient l’asphalte. Et je revois, revis, chaque petit moment de panique — de la prise de conscience que j’allais le percuter, jusqu’a cette interminable journée au poste de police russe.
Et pourtant, j’ai décidé de repartir, encore une fois à moto, encore une fois en hiver. Je suis fou. Tellement fou que je n’arrive pas à accepter que mes peurs puissent me freiner. Ça sonne dans ma tête comme une évidence : nos peurs sont nos principaux freins, la plupart du temps à nos projets, à nos sentiments et à notre créativité.
J’essaye depuis très longtemps de vivre en affrontant mes peurs. Je pense que faire face à ses peurs est quelque chose d’essentiel, et un extraordinaire moteur pour s’améliorer. Il n’est pas ici question de foncer tête baisser sans les regarder, mais plutôt de surpasser nos traumatismes pour les transformer en réussites, puis en fiertés.
Cette année je suis reparti à moto, en hiver, affronter la neige et mes peurs, avec de la prudence en plus et de la fierté en récompense.
BMW Motorrad Zentrum München
(Photo par Ortie)
Depuis quelques temps, alors que je préparais Milmoto pour ce voyage, j’avais repéré un problème à ma roue arrière. En effet, je l’ai récemment changé, après avoir fêlé la jante sur les dures pistes du Kazakhstan. Mais depuis, j’ai remarqué des « louvoiements » dès que je dépassais les 100 km/h. Ces mouvements du train arrière étaient encore acceptable à vide, mais là chargé comme nous sommes, ça pouvait devenir dangereux. Du coup je me suis attaqué au problème, avec des avis assez divers. Entre pression des pneus, roulements usés, ou mauvais équilibrage… j’ai tout essayé. Et pourtant, jeudi matin lorsque nous sommes parti, la moto était toujours autant « instable » (voire encore plus).
Du coup, nous avons décidé de faire une étape à Munich, ville de naissance de BMW. Il me paraissait évident que nous pourrions trouver un spécialiste des « vieilles allemandes » qui mettrait à coup sûr le doigt sur notre problème. Et ce fut le cas !
On nous a immédiatement conseillé d’aller au « BMW Motorrad Zentrum München » soit le centre officiel de réparation. Un accueil luxueux et chaleureux, où l’on vous fait patienter dans un petit salon avec un café. Peu de temps après, me voici en train d’expliquer mon problème à un mécanicien. Il me demande à voir la machine, check le jeu aux différents roulements, soupèse la roue, tâte les pneus… et me dit d’un aire satisfait « J’ai trouvé votre solution ! … Roulez doucement. »
Il m’explique que le louvoiement provient de mes pneus hivers, dont la gomme des crampons trop tendres a tendance à s’écraser sur l’asphalte. Il connait bien ce problème, et me dit qu’ils ont le même ici sur des machines plus modernes. Il va donc falloir qu’on prenne notre temps, même sur les autoroutes allemandes !
Il est reparti, tout souriant, en me serrant la main et en nous souhaitant bon voyage.