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Bienvenue en Sibérie ou Ce que j’ai retenu du Kazakhstan
Depuis quelques jours je suis en Sibérie, cette partie de la Russie particulièrement réputée pour ses plages de sable fin et ses cocotiers.
D’ailleurs mon thermomètre est revenu miraculeusement à la vie. Ne me demandez pas comment, je n’en ai aucune idée. Mais lorsqu’il m’a affiché -18°C, je me suis demandé quel sentiment j’étais censé éprouver, entre fierté et désespoir.
La steppe fait doucement place à des champs enneigés et je revois avec stupeur l’apparition des arbres. Les arbres c’est bien, c’est beau, et ça casse un peu ce vent qui m’a beaucoup usé au Kazakhstan.
Vous l’aurez compris j’ai quitté le Kazakhstan avec regret, et voici ce que j’en ai retenu :
- Que (suivant la légende) un Kazakh peut engloutir à lui tout seul un mouton entier en une journée.
- Que le Kazakhstan recèle de trésors cachés, tant dans son sol que dans sa culture.
- Que l’on m’a proposé 3 filles différentes, pour me marier ici ou l’emmener avec moi à moto !
- Que j’aimerais bien y revenir pour y rester plus longtemps et découvrir la mer d’Aral et Almaty.
Bye-bye Kazakhstan
Ca y est, Rémi a quitté le Kazakhstan. Si tout se passe bien, dans une semaine, il posera le pied en Mongolie. Mais avant ça il va devoir traverser un bout de Sibérie, et les conditions climatiques qui vont avec. En guise de conclusion à son épisode kazakh, Rémi souhaitait publier l’extrait d’un livre qui l’a beaucoup inspiré.
Il faut donc que les nouvelles générations de Kazakhs, citadins notamment, envisagent autrement les milliers de pétroglyphes gravés sur les rochers qui constituent la plus grand bibliothèque à ciel ouvert du monde. Il faut qu’elles se réapproprient la lisibilité des collines innombrables que sont les kourgans abritant les restes des sultans, des poètes fameux ou des bergers anonymes, et qu’elles leur reconnaissent leur fonction de « signalétique de la steppe » pour se repérer dans l’adyr, l’espace sauvage des Anciens. Il sera nécessaire à terme qu’elles assument leur « territoire du vide » dont les entrailles gorgées de ressources fascinent bien au-delà des archéologues et livrent régulièrement des trésors ensevelis, porteurs d’une culture persistante faite de signes du passé lointain tout autant que récent, ouverte à l’innovation, réactive à la modernité.
Pour l’heure, l’histoire culturelle du Kazakhstan est celle de la victoire du monde moderne et de l’idéologie sédentaire sur la liberté nomade, la victoire de l’écrit sur l’oral, du béton sur la yourte. Pourtant, nul ne sait si la mémoire nomade ne saura pas profiter des interstices ouvertes par ce processus de re-traditionnalisation par le haut. D’où l’importance de cette exposition, telle la signature objective d’une culture longtemps considérée par son oralité et sa frugalité architecturale et artistique, comme un simple « aménagement temporaire de la nature ».
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Il est un fait que les steppes kazakhes sont une terre mythique dans l’imaginaire occidental, une zone d’attraction pour les candidats au voyage lointain dans ce qui représentait avec la Transoxiane, l’extrémité du monde connu d’Alexandre le Grand. Un certain nombre de raisons l’expliquent : les descriptions des tribus scythes que l’on peut lire dans L’Enquête d’Hérodote, la profusion d’informations contenues dans les récits des envoyés chrétiens auprès des Mongols, Plan Carpin ou Rubruquis. Plus tard, à l’époque du « Grand Jeu », selon l’expression de Rudyard Kipling pour nommer la rivalité anglo-russe qui dira tout le XIXème siècle, les rapports enflammés des espions, agents d’influence et autres experts en stratégie, russes et britanniques, allaient porter bien au-delà de leurs propres limites, le souffle des grands conquérants mêlé au frisson chamanique.
Tiré du livre Kazakhstan : Hommes, bêtes et dieux de la steppe.
Borat avait raison.
A l’heure où vous lisez ces quelques lignes, je dois théoriquement être en train de passer la frontière Russe pour rejoindre Barnaul en Sibérie. C’est donc la fin de ce long périple au Kazakhstan. Ce pays m’a marqué et je voulais vous en toucher deux mots.
D’une part, c’est pour le moment le pays dans lequel j’ai passé le plus de temps (pour ce voyage, on s’entend bien). D’autre part c’est un pays que je ne connaissais absolument pas. Du coup forcément, on s’attache.
La première nuit que je passe au Kazakhstan je me fais voler mon appareil photo et la deuxième nuit j’atterris dans la plus grosse ville pétrolière du pays ; autant vous dire que les premières impressions furent assez négatives, sans compter que je n’arrivais pas à communiquer pour un sou.
Mais ce pays, rempli de contrastes, n’a fait que me séduire par la suite. Malgré les nombreuses galères rencontrées, il y avait toujours quelqu’un pour m’aider, une rencontre pour me faire sourire et une nature plus improbable que jamais. Le Kazakhstan est surement le pays le moins touristique que j’ai pu traverser dans ma vie, dans le sens où rien ici n’est fait pour ça. Ce n’est pas un pays qu’on visite…. C’est un pays que l’on vit. C’est pour cette raison que j’ai particulièrement envie d’y revenir, pour le revivre encore et encore.
Kazakhstan, de ta première jusqu’à ta dernière nuit, tu n’auras fait que me surprendre ; tu vas me manquer.
PS : Si vous ne comprenez pas le titre, regardez le film « Borat », au moins pour la culture. Si ce film (à prendre au 20ème degré, cela va de soi) fait grincer des dents, a créé de véritables incidents diplomatiques et a été censuré dans de nombreux pays, je le trouve bien plus intelligent qu’il n’y parait. Avis aux amateurs.
« Borat est un personnage de fiction interprété par l’humoriste britannique Sacha Baron Cohen. Ce Kazakh est une caricature des stéréotypes sur les pays pauvres méconnus d’Asie, aux coutumes et aux mœurs jugées douteuses par l’Occident. »
(source : Wikipedia)
Quelques portraits Kazakhs
C’est sur les conseils de ma petite soeur – lors d’un coup de téléphone S.O.S. moment-dur-à-passer – qu’elle m’a dit
« Et si tu prenais du temps pour dessiner ? Moi j’adore tes dessins » .
Alors voici, pour elle, quelques portraits Kazakhs.
PS : Le premier portrait n’est pas véritablement Kazakh, il est d’origine Turc. Ce mec a été d’une gentillesse tellement bienveillante, que pour la première fois j’ai accepté qu’il arrache la page du carnet, pour la mette dans sa poche. Merci Ismail pour cette soirée.
Barbara, la Sibéria-Twin
Le jeu de mot n’est pas de moi, mais il m’a fait rire. Il est vrai que « Africa-Twin » pour le nom d’un moto, laisse plutôt rêver aux paysages du Paris-Dakar, tel qu’elle a été conçue ; plutôt qu’aux paysages de glace je lui fais vivre actuellement.
Une petite opération de chirurgie esthétique s’imposait : voici Barbara, la Sibéria-Twin.
Profitant de mon arrêt forcé à Astana, j’ai réussi à lui installer ses nouveaux pneus (des MITAS E09 Dakar, pour ceux que ça intéresse) particulièrement adaptés pour le off-road sur longue distance. Je lui avais installé juste après mon premier matin de glace, les manchons que mon père a glissé dans l’une de mes caisses. Ces manchons ont véritablement sauvé mes mains, c’est maintenant (avec les -12°C quotidiens) le seul endroit où j’arrive à garder une température descente. Et miracle des rencontres, j’ai réussi à faire clouter mes pneus le jour d’avant mon départ d’Astana !
PS : A l’heure où j’écris ces lignes, 1/3 des clous (rentrés par pression dans la gomme des crampons) ce sont déjà fait la malle. Ça aura été une belle tentative, mais à la vitesse où je les perds je pense que je n’en aurais plus aucun pour le passage « délicat » des montagnes de l’Altaï.
Danseurs et salle de ballet
La salle de ballet, c’était cette salle typique de cours de danse : miroirs tout du long, barres d’appuis et parquet recouvert d’une sorte de lino noir.
C’est ici que Toni y formait les danseurs, tant le corps de ballet que les solistes. Moi je restais assis dans un coin, discret, à écouter la musique et regarder ces corps magnifiques se mouvoir comme jamais je ne pourrais le faire. J’étais admiration.
Les deux premières photos n’ont pas été faites dans la salle de ballet, mais sur la scène pendant une répétition d’orchestre et dans les escaliers du hall d’entrée. Elles font partie des photos que j’ai réalisés pour le catalogue officiel du ballet. Etant donné que j’étais là et qu’ils avaient besoin de photo, pourquoi ne pas allier l’utile à l’agréable ?
Costumes et couturières
Mercredi c’est « pêle-mêle »… sauf que cette semaine (enfin la semaine dernière, vu que j’ai pris du retard) je n’ai pas roulé. Je préfère donc vous présenter deux salles qui m’ont particulièrement touchées à l’Opéra d’Astana.
La première étant la salle des costumes, où plutôt le royaume des couturières ! J’y étais comme un enfant dans une usine de jouet : émerveillé par toutes ces couleurs, ces matières et ces petites mains fripées qui y travaillaient avec le sourire.
Je crois que j’avais une touche avec certaines de ces vieilles femmes Kazakhs, il faut dire que Toni et moi étions un peu les seuls à s’intéresser à leur travail. Je m’y sentais bien et ce n’était pas sans me rappeler de bons souvenirs.
Toni Candeloro
Toni Candeloro est un célèbre danseur danseur italien qui continue maintenant sa carrière en tant que chorégraphe. Il a été invité par l’Opéra National d’Astana pour mettre en place le ballet d’Esmeralda.
Pendant cette semaine passée à Astana (pour remettre Barbara sur pied et demander un deuxième visa Russe), j’ai passé le plus clair de mon temps avec lui. Un homme adorable avec qui le feeling est tout de suite très bien passé. Il m’a présenté à tout le monde, m’a ouvert les portes de toutes les salles de l’Opéra et a tout fait pour m’empêcher de reprendre la route.
Regardez ces photos et imaginez le en train de dire cette phrase avec un bel accent italien : « Nan mais ça va pas, non ? Tou es fou… Tou va dans le vide là, tou risque ta vie dans la steppe avec les loups et ces hommes presque sauvages. Jo t’en pris, laisse ta moto ici et prend un avion, ç’a beaucoup mieux pour toi. Tou va mourir tu sais ? Jo ne peux pas te laisser partir comme ça avec ta moto. »
Toni, tu vas me manquer, c’était magique de t’avoir connu ici au Kazakhstan.
Enfin à Astana…
Après cette journée assez hallucinante de lutte grêco-romaine, je me suis retrouvé comme un con à espérer qu’un coach ou un lutteur m’aiderait à trouver une solution pour rejoindre Astana. Tenter de faire à moto les 320 km qu’il me restait avec cette route entièrement gelé et aurait été du suicide. Mais tous les jours ne peuvent pas être remplis de rencontres magiques… le soir de la compétition je me suis retrouvé tout seul, sans aide, dans cet immense dortoir ; les jeunes champions avaient désertés les lieux juste après leurs combats. Grand moment de solitude.
J’ai finalement réussi à attraper par la manche un dernier coach qui avait traîné plus longtemps que les autres, le suppliant de m’aider car il parlait russe et un peu anglais. Après quelques coups de fil, il a réussi à dégoter quelqu’un qui avait une remorque et qui voulait bien m’emmener avec la moto jusqu’à Astana. L’homme en question est arrivé – avec 3h de retard – pour voir s’il pouvait prendre la moto et me demander la modique somme de 20 000 Tuengue (environ 100€, mais pour ici c’est énorme). Un Turc qui passait dans le coin m’a dit que je me faisais enfiler bien comme il fallait, en même temps je n’avais pas tellement d’autre solution… du coup on est allé se descendre une bouteille de vodka avec un ami à lui. Soirée super sympa.
Le lendemain, l’homme en question est venu me chercher – avec 2h d’avance – pour charger la moto. Barbara mal en point sur la remorque, moi tristounet sur le siège avant, il me parlait russe et pensait surement me faire plaisir en mettant du Joe Dassin pendant toute la route… j’ai eu envie de me tirer une balle tellement ce trajet de 5h fut déprimant.
Finalement arrivé à Astana, je me pose rapidement dans un hôtel, dépose mes affaires et file au restaurant pour me remplir le ventre. Un classique, ils n’ont que des menus en cyrillique. Je me prépare donc à faire mon coup de poker favoris : choisir un plat au hasard, sans savoir ce que je vais manger… quand tout à coup une voie à une table voisine me dit « Can I help you ? I speak english, italian or french if you want. »
Je venais de rencontrer Toni Candeloro, danseur et chorégraphe italien qui est à Astana pour mettre en scène le ballet d’Esmeralada, accompagné d’une amie Géorgienne, qui elle parlait parfaitement italien et russe. Ils m’invitent à manger avec eux et le repas fut excellent. Je parlais français, il traduisait en italien, elle traduisait en russe, la serveur prenait la commande en Kazakh.