Humeurs
Place à la Mongolie
Aujourd’hui, j’embarque dans une voiture direction la Mongolie. Deux chauffeurs qui s’alterneront toute la nuit, pour tenter franchir la frontière Mongole demain, dernier jour de mon visa Russe.
C’est aujourd’hui que se termine la première partie du voyage, pour laisser place à ce pays dont j’ai tant rêvé.
Demain commencera la deuxième partie du voyage, la découverte d’un pays, de sa culture et surtout de ses habitants. Tout comme pour le Népal, je ne connais – volontairement – quasiment rien de ce pays, pour que la découverte soit naïve et réelle.
Le coeur serré, j’ai dû vendre la moto ainsi qu’une grosse partie de mon équipement. Etant strictement interdit pour moi de vendre un véhicule sur le territoire Russe, j’ai dû la vendre pour pièces au marché noir. Mon équipement, les caisses, en passant même par les outils. J’en avais les larmes aux yeux.
Au revoir Sibérie, tu m’auras laissé un petit goût amer dans la bouche.
Je continue avec mon sac à dos chargé à bloc, le matos et le studio photo à bout de bras. Une fois arrivé en Mongolie j’aviserais en fonction des rencontres, mais tout sera bon à prendre : cheval, chameau, chiens de traîneaux, chasse-neige ou même des raquettes.
J’ai eu un accident de moto
Je le savais, on le savait, que ça pouvait arriver. Et c’est arrivé, ici en Sibérie.
C’est arrivé samedi dans la matinée, alors que je partais de Rubtsovsk pour rejoindre Barnaul, ma dernière grosse étape avant de filer direction la frontière mongole.
J’ai eu besoin de prendre du recul par rapport cet état de choc, faire un check-up santé et mécanique, l’annoncer à ma famille puis enfin prendre des décisions en conséquences… avant de pouvoir en parler ici.
« On est samedi matin, la journée de la vieille a été longue et dur à cause de la glace, je décide donc de partir tôt pour attaquer tout en douceur les 300 km qui m’attendent. Très rapidement une bonne surprise me tend les bras : je tombe pour la première fois sur une route dégagée au chasse-neige. Ça faisait 3 jours que je n’avais pas vu la couleur de l’asphalte.
J’en profite, un bon 70 km/h reste raisonnable et ne fera pas de mal à ma moyenne. De plus c’est bon pour le moral de décoller enfin des 30-40 km/h de la vieille. Ici les voitures et les camions ont l’habitude de la neige, tout le monde me double a des vitesses de 90-100 km/h, peut importe moi je suis heureux de pouvoir enfin avancer un peu.
Un gros camion me double et se place devant moi, légèrement plus vite que moi. Il soulève un gros nuage de poudreuse : c’est magnifique de voir ce nuage mouvant tout de blanc. Je prends du recul et reste à distance raisonnable, pendant une bonne demi-heure ; c’est beau. Subitement, le nuage de neige s’intensifie, je ne distingue même plus l’arrière du camion dans ce nuage devenu opaque. Sur le moment je ne comprends pas pourquoi. Ce que je ne savais pas c’est qu’il venait de changer de voie pour doubler quelque chose. Il roulait donc sur la file de gauche qui elle n’était pas dégagée. Mais je n’avais pas cette information, qui aurait pu changer la donne. La suite c’est passée en moins de 4 secondes :
Je vois une masse noire apparaître dans le nuage blanc.
Je comprends que ce n’est pas le camion que je suivais.
Cette masse encore non identifiée se rapproche de moi beaucoup trop vite.
Je comprends qu’elle est immobile.
Je freine du frein avant, puis du frein arrière.
L’action du frein n’est pas du tout suffisante.
Je sens ma roue arrière qui décroche.
J’identifie cette masse noir : c’est un chasse-neige qui avance à 10 km/h.
Je comprends que je fonce droit sur une masse métallique de plus de 5 tonnes, à une vitesse différentielle de 50 km/h.
Il est trop tard, ma roue avant a déjà percuté l’arrière du chasse-neige.
Mon casque vient exploser son phare et je suis propulsé sur le côté par la moto qui se couche.
Je re-ouvre les yeux, bouge le bout des doigts, je suis en vie.
Je touche mes jambes, elles n’ont rien, je me relève sonné, avec des étoiles dans les yeux.
La moto est jonchée sur le sol, l’avant entièrement explosé. »
Je m’en sors indemne, avec seulement une lèvre inférieure un peu explosé et quelques contusions musculaires. La moto ne pourra plus rouler et devra rester en Russie, frein avant cassé, direction faussée, fourche tordue, partie avant et phares explosés et je ne vous parle même pas du carénage.
La suite des évènements n’était pas des plus joyeuse : constat d’accident (russe), remorquage de la moto, journée chez les flics (russes). Heureusement que la traductrice qu’ils ont fait venir était un amour. Le lendemain check-up médical dans un hôpital (russe), puis diagnostique moto dans un garage (russe)… pour négocier le prix de l’épave (ou plutôt du moteur quasi neuf).
Mon prof de moto disait « Tu sais ce qui est plus arnaqueur qu’un mécano ? Deux mécanos ! » . Et bien je pourrais lui dire que j’ai trouvé encore mieux, les mécanos Russes qui savent que tu es au pied du mur et que ton visa expire dans 3 jours.
Je vais bien, je ne baisse pas les bras et je serais en Mongolie dans 3 jours. Je ne sais pas encore exactement comment, mais je (me) le promet.
Résumé Twitter de la semaine 2011-11-14
- Dure journée : glace sur la route, chutes et courbatures mais… J’ai passé la frontière russe ! Je suis en Sibérie ! o/ #
- Un truc con auquel on ne pense pas (lorsqu’on roule à -12°C): Le givre qui se forme à l’intérieur du casque à cause de sa propre respiration #
- Demain, si tout se passe bien, je rentre en Sibérie. Je crois que je vais être triste de quitter le Kazakhstan, vraiment. #
- Je viens de rouler 180km sur de la glace. L’année prochaine je m’inscris pour le trophée Andros ? #
- RT @ProfotoFrance: Le blog : Découvrez l’incroyable périple de Rémi Chapeaublanc (@Ulan_Bastsaaard) sur http://t.co/POIanyXf #
- Je vous ordonne de liker ça http://t.co/xHFUezL4 d’une parce qu’il c’est ma soeur dans la vidéo et que deux c’est fait par @geromeviavant #
- Le plaisir de la première gorgée de bière… RHAAAA ce que c’est BON ! #
- Conduire une moto, à 90km/h, par -12°C… ça n’est pas pas humain. #
- On the road again ! Ca y est, après 8 jours d’arrêt, Rémi est reparti, direction la Sibérie ! http://t.co/7Bfmpxp3 #
Bye-bye Kazakhstan
Ca y est, Rémi a quitté le Kazakhstan. Si tout se passe bien, dans une semaine, il posera le pied en Mongolie. Mais avant ça il va devoir traverser un bout de Sibérie, et les conditions climatiques qui vont avec. En guise de conclusion à son épisode kazakh, Rémi souhaitait publier l’extrait d’un livre qui l’a beaucoup inspiré.
Il faut donc que les nouvelles générations de Kazakhs, citadins notamment, envisagent autrement les milliers de pétroglyphes gravés sur les rochers qui constituent la plus grand bibliothèque à ciel ouvert du monde. Il faut qu’elles se réapproprient la lisibilité des collines innombrables que sont les kourgans abritant les restes des sultans, des poètes fameux ou des bergers anonymes, et qu’elles leur reconnaissent leur fonction de « signalétique de la steppe » pour se repérer dans l’adyr, l’espace sauvage des Anciens. Il sera nécessaire à terme qu’elles assument leur « territoire du vide » dont les entrailles gorgées de ressources fascinent bien au-delà des archéologues et livrent régulièrement des trésors ensevelis, porteurs d’une culture persistante faite de signes du passé lointain tout autant que récent, ouverte à l’innovation, réactive à la modernité.
Pour l’heure, l’histoire culturelle du Kazakhstan est celle de la victoire du monde moderne et de l’idéologie sédentaire sur la liberté nomade, la victoire de l’écrit sur l’oral, du béton sur la yourte. Pourtant, nul ne sait si la mémoire nomade ne saura pas profiter des interstices ouvertes par ce processus de re-traditionnalisation par le haut. D’où l’importance de cette exposition, telle la signature objective d’une culture longtemps considérée par son oralité et sa frugalité architecturale et artistique, comme un simple « aménagement temporaire de la nature ».
[…/…]
Il est un fait que les steppes kazakhes sont une terre mythique dans l’imaginaire occidental, une zone d’attraction pour les candidats au voyage lointain dans ce qui représentait avec la Transoxiane, l’extrémité du monde connu d’Alexandre le Grand. Un certain nombre de raisons l’expliquent : les descriptions des tribus scythes que l’on peut lire dans L’Enquête d’Hérodote, la profusion d’informations contenues dans les récits des envoyés chrétiens auprès des Mongols, Plan Carpin ou Rubruquis. Plus tard, à l’époque du « Grand Jeu », selon l’expression de Rudyard Kipling pour nommer la rivalité anglo-russe qui dira tout le XIXème siècle, les rapports enflammés des espions, agents d’influence et autres experts en stratégie, russes et britanniques, allaient porter bien au-delà de leurs propres limites, le souffle des grands conquérants mêlé au frisson chamanique.
Tiré du livre Kazakhstan : Hommes, bêtes et dieux de la steppe.
Borat avait raison.
A l’heure où vous lisez ces quelques lignes, je dois théoriquement être en train de passer la frontière Russe pour rejoindre Barnaul en Sibérie. C’est donc la fin de ce long périple au Kazakhstan. Ce pays m’a marqué et je voulais vous en toucher deux mots.
D’une part, c’est pour le moment le pays dans lequel j’ai passé le plus de temps (pour ce voyage, on s’entend bien). D’autre part c’est un pays que je ne connaissais absolument pas. Du coup forcément, on s’attache.
La première nuit que je passe au Kazakhstan je me fais voler mon appareil photo et la deuxième nuit j’atterris dans la plus grosse ville pétrolière du pays ; autant vous dire que les premières impressions furent assez négatives, sans compter que je n’arrivais pas à communiquer pour un sou.
Mais ce pays, rempli de contrastes, n’a fait que me séduire par la suite. Malgré les nombreuses galères rencontrées, il y avait toujours quelqu’un pour m’aider, une rencontre pour me faire sourire et une nature plus improbable que jamais. Le Kazakhstan est surement le pays le moins touristique que j’ai pu traverser dans ma vie, dans le sens où rien ici n’est fait pour ça. Ce n’est pas un pays qu’on visite…. C’est un pays que l’on vit. C’est pour cette raison que j’ai particulièrement envie d’y revenir, pour le revivre encore et encore.
Kazakhstan, de ta première jusqu’à ta dernière nuit, tu n’auras fait que me surprendre ; tu vas me manquer.
PS : Si vous ne comprenez pas le titre, regardez le film « Borat », au moins pour la culture. Si ce film (à prendre au 20ème degré, cela va de soi) fait grincer des dents, a créé de véritables incidents diplomatiques et a été censuré dans de nombreux pays, je le trouve bien plus intelligent qu’il n’y parait. Avis aux amateurs.
« Borat est un personnage de fiction interprété par l’humoriste britannique Sacha Baron Cohen. Ce Kazakh est une caricature des stéréotypes sur les pays pauvres méconnus d’Asie, aux coutumes et aux mœurs jugées douteuses par l’Occident. »
(source : Wikipedia)
Quelques portraits Kazakhs
C’est sur les conseils de ma petite soeur – lors d’un coup de téléphone S.O.S. moment-dur-à-passer – qu’elle m’a dit
« Et si tu prenais du temps pour dessiner ? Moi j’adore tes dessins » .
Alors voici, pour elle, quelques portraits Kazakhs.
PS : Le premier portrait n’est pas véritablement Kazakh, il est d’origine Turc. Ce mec a été d’une gentillesse tellement bienveillante, que pour la première fois j’ai accepté qu’il arrache la page du carnet, pour la mette dans sa poche. Merci Ismail pour cette soirée.
Danseurs et salle de ballet
La salle de ballet, c’était cette salle typique de cours de danse : miroirs tout du long, barres d’appuis et parquet recouvert d’une sorte de lino noir.
C’est ici que Toni y formait les danseurs, tant le corps de ballet que les solistes. Moi je restais assis dans un coin, discret, à écouter la musique et regarder ces corps magnifiques se mouvoir comme jamais je ne pourrais le faire. J’étais admiration.
Les deux premières photos n’ont pas été faites dans la salle de ballet, mais sur la scène pendant une répétition d’orchestre et dans les escaliers du hall d’entrée. Elles font partie des photos que j’ai réalisés pour le catalogue officiel du ballet. Etant donné que j’étais là et qu’ils avaient besoin de photo, pourquoi ne pas allier l’utile à l’agréable ?
Costumes et couturières
Mercredi c’est « pêle-mêle »… sauf que cette semaine (enfin la semaine dernière, vu que j’ai pris du retard) je n’ai pas roulé. Je préfère donc vous présenter deux salles qui m’ont particulièrement touchées à l’Opéra d’Astana.
La première étant la salle des costumes, où plutôt le royaume des couturières ! J’y étais comme un enfant dans une usine de jouet : émerveillé par toutes ces couleurs, ces matières et ces petites mains fripées qui y travaillaient avec le sourire.
Je crois que j’avais une touche avec certaines de ces vieilles femmes Kazakhs, il faut dire que Toni et moi étions un peu les seuls à s’intéresser à leur travail. Je m’y sentais bien et ce n’était pas sans me rappeler de bons souvenirs.
Toni Candeloro
Toni Candeloro est un célèbre danseur danseur italien qui continue maintenant sa carrière en tant que chorégraphe. Il a été invité par l’Opéra National d’Astana pour mettre en place le ballet d’Esmeralda.
Pendant cette semaine passée à Astana (pour remettre Barbara sur pied et demander un deuxième visa Russe), j’ai passé le plus clair de mon temps avec lui. Un homme adorable avec qui le feeling est tout de suite très bien passé. Il m’a présenté à tout le monde, m’a ouvert les portes de toutes les salles de l’Opéra et a tout fait pour m’empêcher de reprendre la route.
Regardez ces photos et imaginez le en train de dire cette phrase avec un bel accent italien : « Nan mais ça va pas, non ? Tou es fou… Tou va dans le vide là, tou risque ta vie dans la steppe avec les loups et ces hommes presque sauvages. Jo t’en pris, laisse ta moto ici et prend un avion, ç’a beaucoup mieux pour toi. Tou va mourir tu sais ? Jo ne peux pas te laisser partir comme ça avec ta moto. »
Toni, tu vas me manquer, c’était magique de t’avoir connu ici au Kazakhstan.