Portraits Kazakhs
Un simple trajet de bus, ou Comment passer 4 jours en enfer
C’est con, mais ça fait deux jours que je suis devant le brouillon de cet article et je n’arrive pas à vous raconter ce voyage, qui aurait du pourtant n’être qu’un simple trajet en bus.
Je crois – tout aussi étonnant que ça puisse paraître – que ça été l’une des épreuves les plus dures que j’ai connu depuis mon départ de France il y a 3 mois. Autant physiquement que moralement, ce fut un enfer. Attention tout de même, il n’y a pas que du négatif dans cette expérience, bien au contraire ! Mais c’est juste que le côté « éprouvant » a pris le dessus sur le côté « jouissif » de l’expérience.
Ce voyage, de Olgii à Oulan Bator (1700 km), était un étrange mélange entre :
- Un premier jour de colonie de vacances, où tout le monde apprend à se connaitre dans le bus
- La première saison de LOST, où j’étais Jin – le coréen – qui ne parle pas la même langue
- Un stage de survie en milieu hostile, coincé pendant 4 jours à -10°C dans un congélateur
- Un bus de réfugiés clandestins, plein à craquer, essayant de passer une frontière imaginaire
Vu que je bloque un peu sur le partage de cette expérience (et que ce serait dommage de se forcer), j’ai décidé de ne vous citer que quelques anecdotes.
La première nuit du trajet, au beau milieu de la montagne, un GLONC suivi de l’arrêt du bus annonçait la couleur. Nous venions de casser l’arbre de transmission primaire. Vous savez cette grande barre de métal qui relit les roues au moteur… Ne me demandez pas comment, surement avec un chewing-gum, des épingles à nourrices et un tronc d’arbre, mais ils ont réussi à le réparer. Nous avons repris la route 5 heures plus tard.
Être dans un bus aussi confortable qu’une planche de massage, ce n’est pas ce qu’il y a de plus marrant, mais bon c’est pas un drame. Être dans ce même bus sur des pistes de cailloux, parfois plus défoncées qu’un terrain de moto-cross, c’est dur (voir très dur). Subir ça pendant 4 jours sans interruption, c’est littéralement épuisant. Mais si en plus vous rajouter le fait qu’il est impossible de voir ce qu’il se passe dehors à cause du givre qui se forme en permanence sur les vitres… là ça en devient carrément déprimant.
Pour ceux qui me connaissent, vous savez que je suis plutôt du genre calme et pacifiste. Pour ceux qui me connaissent, vous savez aussi que mon couteau est un objet à ne pas prendre à la légère. Pour que je le sorte et menace un type de 120 kg avec, afin qu’il comprenne qu’il s’était trompé de type à emmerder… je vous laisse imaginer la tension dans laquelle j’étais. Cette histoire a faillis très mal se finir, lui ayant ramassé une paire de ciseau de 40cm en fer forgé qui traînait dans la Yourte. N’empêche que je n’ai plus entendu parlé de lui jusqu’à la fin du trajet.
Attendre QUATORZE heures (14h) dans un bus en panne, au milieu de la steppe avec aucune vie à 200km à la ronde, par -20°C dehors, sans comprendre un mot de la situation, avec plus que quelques biscuits dans mon sac, aucun réseau sur mon téléphone, ne sachant même plus ce qu’on attendait. Je vous assure qu’il y a des images peu réjouissantes qui m’ont traversé la tête. Je me suis refait la série LOST en version sibérienne. En fait on attendait tout simplement qu’un nouveau bus vienne nous récupérer… (QUATORZE HEURES !)
Fixer des yeux un chalumeau, allumé au milieu du bus, posé en équilibre sur des sacs de pommes de terre, en guise de seul chauffage pour 25 personnes, pendant 5 heures. Je ne voulais pas m’endormir, pour être prêt à bondir à n’importe quel moment au cas où le bus se transforme en barbecue géant. J’ai passé ces 5 heures à scruter les pieds qui menaçaient de renverser ce chalumeaux à essence à chaque mouvement, à réfléchir à qu’elle serait la sortie d’urgence la plus propice en cas de panique et a lister ce que j’allais perdre dans mon sac, devenu inaccessible en cas d’incendie.
Sinon c’était cool, il y a eu des bonnes tranches de rigolages, des chansons mongoles à tue tête. J’ai même joué tout seul au Kamoulox dans ma tête, ou encore comme au Cluédos, j’ai tenté de deviner à qui pouvait appartenir ce loup accroché sur le toit. Bon finalement on a abandonné le bus avec le loup dessus, je ne sais pas ce qu’est devenu cette brave bête parfaitement conservé à par -20°C. Dommage, je lui avais trouvé de sympas petits noms.
J’ai survécu à 4 jours, 3 nuits, 4 pannes, 2 bus et 14 pauses
J’avais prévu à l’origine de vous faire une petite vidéo sur ce « mythique » trajet en bus. Mais je suis con, j’avais oublié que 30 personnes qui respirent dans un bus à -20°C, t’a beau être côté fenêtre, ça ressemble plus à l’intérieur de ton congélateur qu’aux magnifiques paysages auquel tu t’attendais…
Du coup j’ai décidé de vous faire une photo à chaque arrêt, pour tenter de vous faire partager le meilleur de ces 70 heures de trajet, qui ont été un véritable enfer. Je vous en raconterais le récit dès demain, si j’ai le temps.
Enjoy
Une histoire de viande
Proverbe Mongole, Si t’es végétarien, ne va pas en Mongolie
Cette dernière photo est une partie du grenier de la chambre froide d’une famille Kazakh, pour passer l’hiver. Il y a 2 vaches, 1 cheval, 15 moutons, 3 chèvres.
Autant le Népal était le paradis des végétariens, autant pour la Mongolie… ne prévoyez pas de manger avec les familles si c’est votre cas. La viande est omniprésente, et parfois l’unique élément du repas.
Je n’ai pour le moment reçu aucun repas sans viande, matin, midi, soir ; si bien que je me fais reprendre très régulièrement :
– Mange plus de viande.
– Oui mais j’ai plus faim.
– Essaye d’en manger encore, s’il te plait.
J’ai mangé des parties… dont je ne savais même pas que ça existait. Un jour peut être, je vous raconterais comment j’ai refusé poliment d’avaler un oeil de mouton.
Revue de presse
À l’heure qu’il est, Rémi a sans doute déjà les fesses bien douloureuses. Il devrait arriver demain ou après-demain si tout se passe bien, avec le derrière en compote et à tous les coups des tonnes de nouvelles anecdotes à nous raconter, des rencontres et des photos magnifiques. Bref, on a hâte ! Pour vous faire patienter, voici un petit tour d’horizon des différents articles publiés sur le périple de Rémi-Kenny-en-fourrure !
> Un bel encart dans Roadtrip Mag
> Une interview sur Digitalcolorz.com
> Un article sur le blog de Profoto
Si vous connaissez d’autres sites et/ou médias qui pourraient être intéressés par cette aventure, n’hésitez pas à nous le faire savoir ! Et si vous avez des contacts dans l’édition, on est aussi preneurs. Ca serait chouette de retrouver ces photos et ces textes dans un beau livre façon carnet de voyage !
Résumé Twitter de la semaine 2011-12-12
- Je ne voudrais pas faire la langue de pute, mais http://t.co/9wCVlUqH n’a pas été mis à jour depuis un bon moment ! Je suis tristesse ! #
- J’annonce : Hier j’ai caressé un loup sauvage.
Laisse tomber, tu peux pas test. # - J’ai pris une douche. Je répète, j’ai pris une douche. #
Je vais mourir
… ou mes fesses du moins.
J’ai appris hier la triste nouvelle, que ma demande d’extension de visa ne pouvait être accepté que si je ne me présentais en personne au bureau d’immigration d’Ulan Bator. Et ceci, 5 jours avant la fin de validité de mon précédent visa… soit dimanche !
Ce qui est techniquement impossible, étant donné qu’il n’y a que deux moyens pour relier Olgii à Ulan Bator :
- L’avion, départ lundi, 2h de vol, environ 250 euros
- Le bus, départ aujourd’hui, 60h de piste, environ 40 euros
(…)
Mon budget est très short, mais ce n’est pas tant pour l’argent, mais plus pour les rencontres et l’expérience que j’ai choisi… LE BUS !
Mais punaise, SOIXANTE HEURES NON-STOP, genre JOUR & NUIT !!! (s’il n’y a pas de problème sur la route… évidemment)
Déjà que j’avais cru mourir au Népal lorsque je m’étais tapé un trajet de 7h dans la montagne. Cette fois on reprend le même genre de bus, sur des pistes pire que celles du Paris-Dakar, et on multiplie le tout par 10. Oh Joie Bonheur !
Ma tenue de combat [billet publié sous la contrainte]
Ne remerciez pas Clémence, c’est elle qui m’a ordonné dans un cri hystérique « Mais SIIIIIII ! Tu DOIS publier cette photo ! »
Pour le camouflage, on a déjà vu mieux, mais bon au moins ça tient chaud. La première date d’il y a maintenant 1 mois, équipement « Sibéria-Twin » . La deuxième est d’hier, on utilise la même base et on recouvre les extrémités différemment, équipement « Grand-Nord » .
Vend jeune Loup, 7 mois, Bon état, Peu servi, 110€
Vu sur labonnesteppe.mg
Vend jeune loup gris de 7 mois. Capturé louveteau dans la tanière. Il est en bon état, peu battu et peu servi. Il vit pour le moment au grand air avec une chaîne de 2 mètres. Son prix ferme de 110 euros (200 000 MNT) ne comprend pas les frais de port. Les démarches administratives seront à votre charge, la famille ayant perdu son passeport.
Le grand roi des steppes
Pendant le temps d’une fraction de seconde, j’ai été ce grand roi des steppes… dévalant au grand galop ces immenses steppes caillouteuses et enneigées. BONHEUR.
Que cela en déçoive certain(e)s, possible, mais je n’ai finalement pas troqué Barbara contre un poney…
En effet, l’idée d’acheter trois chevaux (un pour moi, un pour mon assistant et le dernier pour mon studio photo) m’a grandement tenté, mais logistiquement cela devenait trop complexe à gérer avec l’hiver. En effet, c’est bien l’hiver le problème ici. Tout ce qui est facilement envisageable en été, devient complexe voir impossible en hiver. Trouver pour chaque nuit et chaque étape, de quoi faire dormir les chevaux, de l’eau et de l’avoine pour compléter leur alimentation, sans parler des possibles blessures qui sont courantes à cette saison… On me l’a déconseillé, puis j’ai renoncé à cette idée pourtant bien séduisante.
En Mongolie les transports sont un réel problème et coûtent relativement cher ; j’y crame une bonne partie de mon budget. Du coup j’ai décidé de ne pas choisir un véhicule fixe, mais d’en louer au coup par coup, essayant tous les moyens de locomotion à ma disposition…
Ce à quoi on ne pense pas… à -15, -20 et -25°C
C’est bien beau de se dire « Tiens et si j’allais passer l’hiver en Mongolie ? » et quitte à faire les choses proprement, autant passer par la Sibérie en moto, non ?
Trêve de plaisanterie, le froid n’est pas vraiment quelque chose qui me fait peur. Ma première expérience du froid avait été le Népal il y a deux ans, en montant mes premiers sommets. Le maximum que j’ai eu a subir était un -15°C lors d’une nuit passée en refuge à 5000m… « Finger in the Nose » avec mon Swing 900 (un bon sac de couchage pour débuter en conditions extrême : -7°C confort, -25°C survie).
Je me suis dans lancé dans cette nouvelle expédition avec mon équipement de montagne, soit :
- sous-vêtements en laine (collant + tee manche longue)
- polaire compressible + doudoune en duvet
- pantalon de ski de rando
- veste technique d’alpinisme
- 3 paires de chaussettes qui se superposent (soie + triple épaisseur laine + laine bouclé)
- 3 paires de gants qui se superposent (soie + laine + gants de montagne)
- et pour finir, chaussures de grande randonné, plutôt classique pour le coup.
Bien joué mec !
Sauf que… dormir dans un refuge, habillé, emmitouflé dans un duvet, par -15°C… n’a strictement rien à voir avec rouler à moto par -15°C, voire pire faire du cheval par -20°C. Dernièrement, je viens même de tester le -25°C en pleine journée, une expérience assez hallucinante.
Du coup je voulais vous présenter quelques petits « trucs » auxquels je n’avais pas pensé :
1/ La visière du casque qui givre de l’intérieur… par votre propre respiration
Assez handicapant en moto, surtout qu’il est impossible de gratter ce givre avec les gants. Vous n’avez que deux choix : rouler visière ouverte ou s’arrêter pour gratter tant bien que mal, l’intérieur du casque. À ces températures-là, la protection antibuée livrée avec le casque n’est plus d’aucune utilité.
2/ Manipuler son appareil photo… avec 3 paires de gants
Je me croyais malin à prévoir de fins gants de soie, pour pouvoir retirer les gants de montagne et prendre tout de même quelques photos dans le froid. Et bien figurez-vous que lorsque vous êtes à cheval, par -20°C, vos doigts vous font déjà tellement mal qu’il est hors de question de retirer quoi que ce soit qui les recouvrent. Vous vous émerveillez alors une dextérité inconnue jusqu’à présent : manipuler le moindre petit bouton – ou pire changer une carte mémoire – avec 3 paires de gants superposés.
J’ai commandé hier à un tanneur, des moufles en fourrure de renard. Le seul espoir de survie pour mes doigts.
3/ La perte totale de sensation… au niveau des pieds et genoux
Après une expérience assez « hardcore » (conduire de nuit, pendant 1h30, dans les montagnes de l’Altaï, par -20°C, une moto chinoise pourrie, sans manchon ni poignée chauffante…) j’ai décrété que mourir de froid n’était pas une expérience fort sympathique. Je vous parle de mort, car pendant quelques instants j’y ai songé, n’éprouvant plus aucune sensation de toucher au niveau des mains ou des pieds, seulement de grosses boules de douleurs brûlante à la place de chaque membre. Mon passager (mongole) était dans le même état que moi. À notre retour dans une maison chauffée, j’ai mis environ 30 minutes pour retrouver l’usage normal de mes genoux, qui me faisaient mal à un point indescriptible.
J’ai acheté hier sur le marché, des bottes en peau de chien, moins cher et a priori aussi performant que la peau de mouton. Je peux y enfiler mes pieds avec 3 paires de chaussettes superposées, et ça c’est bien !
4/ Et puis pour finir, la barbe et la moustache qui gèlent… ça au moins c’est marrant !
Pratique lorsque tu as soif, tu passes ta langue dans la moustache, tu peux y savourer de petites perles de glace. De plus tu la recharges automatiquement, car 10 minutes plus tard les perles de glaces seront de nouveau là !
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Ce texte vient surement d’annoncer un prochain article sur « ce que je pense de la fourrure » , où comment j’ai appris à ranger mes avis.