Portraits Kazakhs
Humeur du soir
Ce soir je fais le calcul : je me suis avalé 1180 km en deux jours ! Un exploit pour Barbara et moi, mais j’en suis lessivé.
Si ce soir c’est repos à l’hôtel, c’est surtout préparation des 1500 km qui m’attendent encore avant Astana, la capitale du Kazakhstan. L’hivers arrive ; je l’ai déjà senti rentrer hier soir dans ma tente. Du coup, pas question de se la couler douce, j’aimerais arriver à Astana dans 3 jours.
En plus de ça, en ce moment ma tête bouillonne de questions. Mon idée de série est-elle finalement réalisable (techniquement parlant) ? N’aurais-je pas visé un peu haut ? Est-ce que je fais venir quelqu’un pour m’assister ici ? Les finances vont-elles tenir le coup ?
Mais ces questions, j’ai déjà bien assez de temps sur la moto pour me les poser, du coup l’humeur de ce soir c’est :
Bienvenu au Kazakhstan ou Ce que j’ai retenu de la Russie
Etant donné que je n’ai plus de NEX, je ne peux plus vous faire ma traditionnelle photo « en roulant »… Du coup j’ai choisi de continuer avec Barbara dans les paysages locaux. Je roule au Kazakhstan maintenant depuis quelques jours et ce que je peux vous dire c’est que les paysages ne sont – pour l’instant – pas très variés ! De la steppe, de la steppe et encore un peu de steppe.
La steppe, c’est plutôt joli en soit, mais punaise ce vent… Je suis obligé de rouler en permanence penché de 20°. Je vous assure que ce n’est pas de tout repos, sans parler de ma consommation d’essence qui en prend un coup (vent de 3/4 la plupart du temps).
En tout cas, ce que j’aurais retenu de la Russie :
- Que la guerre froide ne doit pas être vraiment finie pour tout le monde. J’ai rarement vu des gens aussi méfiants.
- Que les routes ne sont pas mauvaises du tout ! Avec en prime quelques jolis paysages.
- Qu’ils diffusent de la techno qui doit faire mourir un paquet de neurones suite à une écoute prolongée.
- Que j’y suis passé bien trop rapidement.
Drôle de karma
Vous pensiez que les galères allaient s’arrêter une fois la frontière kazakhe passée ? Eh bien non ! Rémi a repris la route jeudi matin direction Oqtobe et une fois de plus, le sort s’est acharné contre lui. Je crois qu’à ce rythme, on va bientôt pouvoir décerner le titre de Motard-Poissard International ! Ne vous inquiétez pas, depuis tout est rentré dans l’ordre avec, en prime, de nouvelles rencontres. Et ça vaut le coup d’être raconté !
Jeudi matin donc, le réservoir et les bidons remplis d’essence, Rémi remonte en selle. Son objectif : atteindre Oqtobe, la prochaine grande ville sur son itinéraire. Les premiers kilomètres défilent rapidement, sur une route en très bon état. Vous l’aurez compris, c’était trop beau pour durer. Rémi rentre dans un village et là, comme par magie, la route disparaît ! Pourtant elle est toujours indiquée sur le GPS mais force est de constater qu’il n’y a plus aucune trace de goudron aux alentours. Notre motard demande son chemin à des jeunes du village, qui l’amènent devant une piste complètement défoncée. Eux-même ne peuvent pas continuer avec leur voiture. Rémi croit à une mauvaise blague, vérifie sur sa carte. Hélas. Cette piste est bien la seule issue du village.
Puisque c’est la seule piste, il faut bien l’emprunter. Mais façon escargot, pas plus de 40 km/h, histoire de ne pas avoir de mauvaise surprise. Rémi est prudent, mais le Dieu de la Route lui en veut. Après une bosse, CRAC ! On dirait qu’il a roulé sur quelque chose. Coup d’oeil dans le rétro. A vingt mètres derrière la moto, une des caisses en alu fixée à Barbara a décidé de la jouer dissidente. Mal lui en a pris. La caisse est toute cabossée et surtout, les fixations sont arrachées. La responsable, c’est une barre de fer tordue qui sort de terre. En passant, Rémi l’avait pris pour un inoffensif bout de bois. Pas si inoffensif puisqu’elle s’est empalée sur la caisse et l’a littéralement arrachée de la moto.
A ce moment de l’histoire, on se dit que pour avoir un si mauvais karma, Rémi a dû tuer des bébés chatons dans une vie antérieure. C’est sans compter sur son éternel retour de chance. (Peut-être que dans son autre vie, il sauvait aussi des bébés loutres, qui sait…) Avant même qu’il n’ait eu le temps de rattacher la caisse fugueuse à la moto, une camionnette arrive. A l’intérieur, 4 types, qui ne parlent pas un mot d’anglais. A grands renforts de gestes, Rémi explique ce qu’il s’est passé et demande s’ils peuvent l’héberger pour la nuit. Ils embarquent la caisse et Rémi les suit. Après une chute dans la boue en cours de route, moto déséquilibrée oblige (mais heureusement sans bobo), notre équipe arrive dans un campement d’ouvriers. Tous ces hommes travaillent en fait sur un puit de pétrole. Ils habitent dans d’énormes « caisses », comme des préfabriqués en boîtes.
Après quelques photos, à table ! Soupes, gâteaux, l’accueil est royal. Une fois le repas terminé, tout le monde à douche ! Et pas la douche en petites cabines individuelles hein. Ici c’est douche collective, tout le campement en même temps. Je n’y étais pas mais j’imagine que Rémi ne faisait pas trop le malin au milieu de tous ces kazakhs costauds et à poil… L’ambiance est chaleureuse, notre motard est l’attraction du jour ! On lui présente même le boss du campement, le seul qui parle anglais. Il lui promet de lui « prêter » un ingénieur et deux ouvriers le lendemain. Et effectivement, le lendemain tout ce petit monde travaille d’arrache-pied et la caisse en alu est comme neuve. Rémi a un sourire scotché jusqu’aux oreilles. Lui qui voulait faire des rencontres, il est servi !
Opération Sauvetage Ukrainien – VO
La moto broute, puis cale, pour la deuxième fois de la matinée. Pourtant je viens de faire le plein de SP-95. A y réfléchir, il pleut ; et à chaque fois que le filtre s’était bouché, il pleuvait. Et si le problème ne venait finalement pas du filtre, mais plutôt de la pluie ? Peu importe, comme pour les autres fois je secoue Barbara, redémarre puis repars.
Dix minutes plus tard, voici qu’elle se met à nouveau à brouter. Je laisse la moto continuer sur sa lancée et s’échouer à côté de cette station service que j’avais repéré un peu plus loin. Même scénario mais cette fois elle ne veux plus repartir. Le moteur démarre bien, mais s’essouffle vite et cale à chaque fois. J’appelle mon oncle, on fait un diagnostic par téléphone. A priori il pense que j’ai soit de l’eau qui s’infiltre dans mon essence soit l’un des circuits d’allumage qui fait des faux contacts avec la pluie.
Je démonte presque entièrement la moto, vérifie tout ça avec mes maigres connaissances en mécanique et les moyens du bord. Rien. Je ne trouve rien qui expliquerait cette panne. C’est en remontant une bougie après sa vérification, que je me dit qu’il faudrait que je débranche la pompe à essence pour purger les carburateurs ; au cas où il y aurait de l’eau dans le circuit d’essence. Je débranche le tout, vide l’essence, souffle dans les tuyaux, rallume le contact pour purger la pompe aussi… et là rien ne sort. La pompe à essence ne fonctionne pas. Bingo, j’ai trouvé ! Je bidouille les tuyaux d’essence et fabrique une dérivation de fortune pour me passer de la pompe, en branchant en direct le réservoir aux carburateurs. Le bricolage fonctionne, le moteur ronronne de nouveau.
L’heure a pourtant tourné très vite. Je me dépêche de recharger la moto. Je préviens Clémence, puis mon oncle, que je vais pouvoir repartir pour Doniesk. Par contre je n’aurai pas le temps de passer aujourd’hui la frontière Russe, il va falloir que je trouve de quoi dormir à Doniesk et pourquoi pas y remplacer ma pompe à essence. Clémence s’occupe de ça et poste des messages sur les forums de motard pour savoir s’ils peuvent m’aider. De mon côté je prends la route, et vite, car la nuit ne va pas tarder à tomber.
La route, tout à fait potable ce matin, se dégrade de plus en plus. La nuit, elle, n’attend pas et m’oblige à rouler en pleins phares. D’ailleurs avec mon chargement trop lourd, le cul de la moto est alourdi et les phares éclairent plus le ciel étoilé que la route. Tant pis, je réglerai ça demain.
Mais la pluie arrive, elle aussi, très vite. D’abord quelques petites gouttes discrètes puis des bourrasques cinglantes. Je ne vois presque plus rien, la route est devenue vraiment pourrie et les ukrainiens ne conduisent pas mieux qu’avant…
C’en est trop, je décide de m’arrêter. Un petit terrain d’herbe sur ma droite, à côté d’une maison. Je décharge la moto sous la pluie en vitesse et garde ma concentration pour monter la tente le plus efficacement possible. Je mets mes affaires à l’abri, attache la moto et cours me réfugier sous la tente, ma lampe frontale fièrement allumé au dessus de la tête.
Je retire mes vêtements mouillés, organise mon micro chez moi, puis déplie mon tapis de sol. Ça y est, je peux souffler. J’enfile mes jambes dans mon duvet, mange un peu de saucisse sèche achetée en Pologne sous les conseils de Nicolas, puis sors mon carnet pour écrire.
Je suis là, les jambes nues dans mon duvet orange, écoutant à la fois le doux bruit de la pluie sur la toile de tente et celui de la route non loin.
J’écris au feutre sur ce pette carnet et souris bêtement. Je suis bien, je suis heureux ; de toutes ces petites victoires.
Ce que je ne savais pas en écrivant ces lignes, c’est que l’opération « Sauvetage Ukrainien » ne faisait que commencer. Je ne me doutais pas que 2h plus tard, je serais à table en train de boire des vodkas avec tout un forum ukrainien à mes trousses !
De jolies rencontres : Les cyclistes Anglais
Croisés en sens inverse sur une route Russe, j’ai fait demi-tour 50 mètres plus loin pour les retrouver. Cela fait maintenant 6 mois qu’ils sont sur les routes du monde, et là ils sont sur le chemin du retour vers Londre. On a papoté un moment, ça m’a fait du bien de rencontrer ce joli couple. Ils enviaient ma vitesse de progression (je parcours en une journée ce qu’ils font en une semaine) et moi j’enviais le temps qu’ils prenaient. On a eu du mal à se dire au revoir et reprendre chacun notre route.
Bienvenu en Russie ou ce que j’ai retenu de l’Ukraine
Bon certes j’ai déjà fini ma traversée expresse de la Russie, dans laquelle je n’aurais au final passé qu’à peine 3 jours, mais ces 3 journées ont été chargés et intenses.
Mais je devrais plutôt vous parler de l’Ukraine plutôt que de la Russie ! Quoi qu’à vrai dire je n’ai pas vu de « grand écart » sur cette frontière, comme j’ai pu le voir pour d’autres.
En tout cas, ce que j’aurais retenu de l’Ukraine :
- Qu’il y a beaucoup (trop) de filles gaulées comme des top-modèles.
- Qu’il y a beaucoup (trop) de filles sapées comme des… comment le dire poliment ?
- Que la vodka coûte moins cher que l’essence et les clopes un prix que vous n’oseriez imaginer.
- Que les motards Ukrainiens sont des guerriers !
Ce soir je souris et ne sais pas par où commencer
Ces 4 ou 5 derniers jours il m’est arrivé tellement de choses, que je ne sais plus par quoi ou par où commencer. Hier soir j’ai écris mon coup de blues car il fallait que ça sorte, que je le couche sur le clavier. Mais malgré ce coup dur, il n’a JAMAIS été question de rentrer ni de baisser les bras ! J’ai une famille géniale, des amis solides et des lecteurs (ou devrais-je dire des supporters ?) tous simplement épatant. Tous vos petits mots m’ont fait énormément de bien et m’aident à passer les caps comme ceux-ci.
Du coup ce soir j’ai au moins une dizaine d’articles en tête à écrire sur ce blog, mais je ne sais pas si j’aurais le temps de tout raconter. En tout cas je pense en programmer certains pour la semaine, car la fréquence des points Wifi ne va pas aller en s’améliorant. Car le Kazakhstan a beau être « the greatest country in the world » ça reste le Kazakhstan…
Donc on se dit à très vite ?