Pourquoi je ne ferais pas de reportage sur les Aigliers Mongoles
Les aigliers Mongoles, c’est l’excuse dont je me suis servis pour organiser tout ce périple. Pourquoi je dis excuse ? Parce qu’il en faut bien une, pour organiser un projet comme ça. Un but, tout aussi facultatif soit-il.
Ce que j’essaye de dire maladroitement par là, c’est à peu prêt « On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait » (Nicolas Bouvier dans L’Usage du Monde). Sachant très bien que mon but pouvait n’être qu’un prétexte ; il ne constituait pas à lui tout seul le voyage, il l’orientait.
Je ne vais pas non plus être mauvaise langue, ce reportage sur les Aigliers Mongoles me passionnait tout autant qu’il me tenait à coeur. L’aurais-je fantasmé ? M’en suis-je fait tout un monde ? Je ne sais pas, mais en tout cas je n’ai pas du tout trouvé ce que j’imaginais.
Récemment, plusieurs personnes m’ont envoyé cet article publié dans le monde. C’est joliment romancé, les mots sont beaux et paraissent juste, c’est exactement ce que j’avais lu à propos du Festival de l’Aigle qui se déroule en Octobre.
Mais voilà, j’ai volontairement évité ce festival, le jugeant trop « touristique » à mon goût. Je voulais goûter et découvrir la « vrai » vie de ces chasseurs à l’Aigle, dont la période de chasse se déroule en hiver… période anti-touristique par excellence.
Une chose m’avait marqué avant de partir, mais je n’y avais pas prêté plus d’attention que ça : on trouve beaucoup d’informations sur ce festival, mais quasiment aucune sur la période de chasse et la vie des chasseurs. C’est là que fut ma surprise en vivant près d’une semaine avec l’un de ces chasseurs à l’aigle.
Je dis l’un de ces chasseurs, mais laissez-moi plutôt vous présenter le personnage : Héros de cette année, c’est justement le gagnant de ce festival de l’aigle d’Olgii. Il a été élu meilleur chasseur de la région pour 2011. Un vieux monsieur, digne, un peu maladroit et assez austère.
Je voulais une vision moderne de cet art ancestrale, où comment on pouvait encore combiner modernité et traditions. Et bien figurez vous que la tradition en est belle et bien une, qui survie non pas grâce aux aigles, mais plutôt grâce au tourisme.
Ceci n’est nullement une critique, bien au contraire je trouve ça très bien, mais ce fût juste une grosse surprise. Je m’attendais à y rencontrer des chasseurs aguerris, qui tuaient lapins, marmottes et renard à tours, pour vendre leur fourrures sur les marchés. Ce que je découvris, c’est que le meilleur chasseur de cette année, n’avait attrapé pour toute l’année dernière que 3 renards… dont il pouvait espérer tirer quelques 5 ou 6 euros sur un marché, alors qu’une seule « partie de chasse » pour touriste (la plupart du temps infructueuse) lui rapportait dans les 20 euros.
Du coup, la déception était bien là. Je me retrouvais face à une tradition certes ancestrale, mais perpétuée uniquement dans un but de conservation. Les chasseurs que je m’imaginais, ne vivent plus de la chasse depuis bien longtemps, mais héros de leur région ils conservaient cet art dans le respect de leurs aïeux, pour le festival et quelques touristes.
Loin de moi l’idée de critiquer ces hommes, ni ces bêtes aussi majestueuses soient-elles, je n’ai pas envie de faire un reportage sur une tradition lointaine, je voulais faire un reportage sur des hommes et des vies. Ces « chasseurs » sont maintenant pour la plupart devenus des bergers, très respectés par la population locale pour la conservation de cet art.
Alors qu’un jour ils avaient sorti l’aigle « pour me montrer » comment on l’entraînait, le fil du chasseur aperçu un renard sur le versant d’en face. Après une tentative infructueuse de l’attraper, le chasseur décida que ce serait tout pour aujourd’hui. Le fils plus téméraire, demanda une bonne heure plus tard, la permission de ressortir avec l’Aigle pour une deuxième tentative.
J’ai donc vu pour la première fois, un aigle royal attraper un renard ! C’était beaucoup trop loin pour pouvoir y prendre une quelconque photo ou vidéo. Mais ce que j’ai par contre aimé prendre en photo, ce sont les félicitations que reçu le père par toute la famille… laissant au fils le soin de dépecer et vider la proie.
Désolé à tous ceux pour qui j’aurais brisé quelques rêves, ce texte n’est qu’un ressenti personnel et ne remet en aucune cause la splendeur de cette tradition.
3 commentaires
Pour moi, tu n’as absolument pas brisé un rêve mais au contraire, prouvé qu’on peut toujours trouver un bien dans quelque chose qui peut paraitre futile. Si le tourisme permet de conserver et surtout, transmettre cet art, tant mieux!!! Combien d’arts, de traditions seraient perdues s’il n’y avait pas le tourisme.
Ensuite, tu as su et pu aller plus loin, aller backstage si on veut, et ça, c’est une chance énorme je trouve.
Bonne continuation et hâte de lire la suite de tes aventures (ou tout au moins, ce que tu souhaiteras partager ;-) ).
Au contraire. Je crois que tu DOIS documenter cette vie. Ce n’est pas celui auquel tu pensais, mais il n’en sera que plus fort, car tu es choqué de la situation, et ton œil sera naïf. Avec Maja, on t’interdit, tu entends, on t’interdit de rentrer avant d’avoir fait ce reportage.
C’est courageux d’écrire cet article, merci de dire la vérité, dommage pour les touristes mais satisfaisant pour les bergers-chasseur!